lundi 30 janvier 2012

Entretien du magazine "Lire" avec Douglas Kennedy (mai 2007)


Extraits...

Vos fameux 500 mots par jour ?
D.K. Somerset Maugham disait qu'il y avait trois règles fondamentales pour écrire un bon roman... mais que personne ne les connaît ! Moi, je n'en ai qu'une : j'écris 500 mots tous les jours, six jours sur sept. Au bout d'un an, vous avez un roman. Et pour cela, je me lève à 5h45 le matin. À 6h15, je m'installe à mon bureau après avoir bu plusieurs cafés. J'ai l'angoisse au ventre. Mais si on est un écrivain, on vit en permanence dans l'angoisse. La peur est fondamentale : si on ne l'éprouve pas, on ne peut rien écrire de bon. C'est un sentiment qui fait partie du processus de création. La discipline permet de la surmonter. Et je m'astreins à écrire mes 500 mots chaque jour avant de m'accorder d'autres activités, comme aller au cinéma ou flâner, ou boire un verre avec des amis.

Ce n'est pas un peu fastidieux ?

D.K.
Si. Et alors ? Tous les matins, je me dis : « Oh, merde, pourquoi m'infliger ça ? » Et puis je me dis : « Bon, ça va, arrête de geindre. Maintenant, tu commences. » Je pense que la discipline est fondamentale si l'on veut vraiment écrire : il ne suffit pas d'avoir l'idée d'un roman, il faut l'écrire. Et le terminer. Et c'est à l'école, à New York, que j'ai appris cette discipline.

On en vient à l'autre sujet de ce roman : l'écriture...

D.K.
Le narrateur, Harry Ricks (La femme du Ve), est un romancier qui n'a pas de talent. Mais son histoire, elle, est très bonne et très bien racontée - du moins, je l'espère ! Il y a vingt ans, quand je commençais à écrire, j'ai essayé quelques romans autobiographiques. C'était nul. J'ai découvert que si on veut recréer sa vie comme romancier, on écrit des romans ratés. Et je continue de rencontrer beaucoup de gens qui me disent qu'ils portent un roman en eux. Je leur réponds : « OK, écrivez-le. » Dans le cas de Harry Ricks, l'écriture est un moyen de se battre contre sa dépression : il sait que ce qu'il écrit n'est pas bon, mais c'est sa façon de tenir le coup. S'il a la lucidité de l'admettre, il pourra peut-être trouver sa véritable voie.

Quelle est la fonction d'un écrivain, selon vous ?

D.K.
Pour moi, elle est double : un écrivain doit d'abord écrire des histoires pour les lecteurs ; mais il doit mettre dans ces histoires les tensions et les inquiétudes de la vie moderne. Un écrivain doit critiquer la société dans laquelle il vit. C'est ce que j'ai essayé de faire avec le New York des années fric dans L'homme qui voulait vivre sa vie, ou le New York des années McCarthy dans La poursuite du bonheur, et avec l'Amérique post-11 Septembre dans Les charmes discrets de la vie conjugale...

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